La publication du rapport Laurent intervient quinze ans après l'entrée en vigueur de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans la fonction publique (ARTT). Depuis la mise en place du temps de travail des 35 H, aucune évaluation de la mise en place des 1607 H n'avait été réalisée (le dernier rapport connu sur le temps de travail est le rapport Roche qui date de 1990). Le rapport ne concerne pas les magistrats, les militaires et les enseignants.
Il aborde successivement le cadre juridique qui s'applique au temps de travail dans la fonction publique, l'analyse des pratiques recensées au sein des trois versants de la fonction publique (Etat, territorial et hospitalier) et les questions et enjeux soulevés par l'organisation actuelle du temps de travail dans le secteur public. Mais au-delà du débat sur le respect de la durée du temps annuel de travail que l'étude ne manque pas d'introduire, son contenu démontre également que cette question principale en induit bien d’autres, notamment sur le plan de l'organisation interne des services. Le rapport formule ainsi des recommandations sur les questions d'organisation qui y sont liées comme celles relatives aux astreintes, aux jours de congés ou encore à la formation.
Contrairement à l'idée première reçue, il acte que beaucoup d’agents dans le secteur public ont un temps de travail au-dessus de 1607 H (en particulier dans le milieu hospitalier). Néanmoins un constat de non respect de la durée réglementaire annuelle du temps de travail est également réalisé. Il est à nuancer par un rythme de travail parfois adapté compte tenu des spécificité des métiers. C'est par exemple le cas pour la profession de policier (32 heures en moyenne).
Les raisons d’un temps de travail inférieurs à 1607 H sont liées à des accords locaux ou à des sujétions particulières. Il y est également constaté qu'il n'y a pas eu dans l'administration de remise en cause de l’organisation du travail contrairement au secteur privé où cela a été fait. Cette situation a par ailleurs été favorisée par un délai court d’application des 35 H et l’absence de création de postes (en particulier dans les hôpitaux).
Le rapport met en exergue que dans le secteur public « 40 % des fonctionnaires travaillent régulièrement le samedi ou le dimanche ». Cela peut être le cas des professions telles que les bibliothécaires ou les animateurs sportifs. Une démultiplication des cycles de travail chez un même employeur public (jusqu’à neuf cycles de travail différents dans une même collectivité) est constatée. Cette diversité des cycles de travail contribue à expliquer la diversité des temps de travail adoptés dans le secteur public.
Le rapport Laurent remarque l'absence d’approche métiers de l’organisation du travail dans le secteur public. Il met en lumière le mauvais usage des comptes épargne-temps (CET) et des jours de fractionnement de congés. Ces dispositifs avaient initialement pour objectifs de permettre aux fonctionnaires de mieux étaler les congés, quand ils en avaient moins, dans le souci d'assurer la continuité du fonctionnement des services. Ils ont été dévoyés. Par contre, le rapport indique sur la question des heures supplémentaires, que beaucoup de fonctionnaires en font sans forcément les déclarer. La gestion des Ressources Humaines dans le secteur public est jugée pas assez moderne.
Il relève des confusions par les agents entre jours d’ARTT et jours de repos et l'absence du droit à la déconnexion et travail, important y compris les jours de repos. Philippe Laurent acte d’un droit du travail non respecté dans le secteur public que dans le secteur privé.
Il dénonce une montée de l’inconfort au travail et l'absence d’une inspection du travail, qui ne permet pas dans le secteur public de gagner des postes. Des soucis d’optimisation du travail sont posés (savoir travailler autrement avec révision des process). Les difficultés de transparence en matière de temps de travail sont également relevées. Le seul point d’entrée en ce domaine étant les bilans sociaux sociaux, qui manquent d’exploitation cruellement d'exploitation au niveau national.
Il formule des recommandations d'organisation qui tendent vers l'adoption de normes communes sont formulées. L'adoption d'un cadre global pour revisiter le régime des autorisations d'absence est prescrit. Les mutualisations doivent être recherchées et il faut envisager ces pratiques comme la porte d'entrée à la possibilité d'harmoniser tous les régimes dérogatoires au temps de travail. Les dispositifs d'astreinte devront être évalués. Le but recherché est l'équité de traitement entre agents pour des mêmes situations d'exercice de travail. La possibilité de réexaminer les temps de travail tous les cinq ans est évoqué. Un examen systématique des horaires d’ouverture des services au public au regard des besoins des usagers est à réaliser.
Les employeurs publics sont incités à mieux informer sur leur responsabilité de faire respecter les obligations annuelles de travail. Le principe d’une obligation annuelle de travail de 1 607 heures, quel que soit le nombre de jours fériés est acté pour être inscrit dans les textes réglementaires relatifs au temps de travail. L'attribution de jours d'absence dépourvus de base légale est soumis à suppression. Les employeurs publics sont incités à adopter une charte du temps actualisée au maximum tous les trois ans. Il leur est aussi conseillé de distinguer les jours de congés des jours de RTT en créditant ces derniers mensuellement en fonction de la présence réelle de l’agent.
Enfin l'un des autres enseignements à retenir du rapport Laurent en terme d'organisation est qu'il sera nécessaire de réexaminer les pratiques managériales (la faiblesse du mangement intermédiaire dans l’administration y est relevé) du service public. Tout un défi, quant on sait que les usages actuels leur laissent une souplesse nécessaire à la vie quotidienne dans les services, qu'il sera difficile de remettre en cause. A noter aussi que jusqu'à ce jour, aucune boîte à outils sur l’application du temps de travail à 35 H n'est proposé aux employeurs publics.
Analyse effectuée par Pascal NAUD,
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