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Ce 20 janvier 2025, le Sénat a adopté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025, une mesure phare qui élèvera la durée annuelle de travail de 1 607 à 1 614 heures dans la Fonction Publique.
La modalité d'augmentation du temps de travail annuel retenue repose sur la transformation de la journée de solidarité, qui sera renommée "contribution de solidarité par le travail" et portée de sept à quatorze heures. En contrepartie, la contribution de solidarité pour l’autonomie, payée par l’employeur, serait augmentée de 0,3 % à 0,6 %.
Cette augmentation du temps de travail n'est toutefois pas applicable à ce jour. Elle doit faire l'objet d'une nouvelle lecture par l'Assemblée Nationale à compter du 27 janvier 2025.
Cette décision de hausse du temps de travail suscite déjà de vifs débats dans l’opinion publique et parmi les partenaires sociaux. Surtout qu'un sondage, réalisé en janvier 2025 par l’institut IFOP, indique que 58 % des Français s’opposent à une telle mesure. Des manifestations sont d'ores et déjà prévues dans plusieurs grandes villes pour exprimer les inquiétudes des salariés face à cette annonce de l'augmentation de leur temps de travail.
Selon la ministre du Travail, Mme Catherine Vautrin, cette augmentation pourrait générer près de deux milliards d’euros de recettes dès 2025. Ces fonds seraient fléchés vers la branche autonomie, un domaine qui fait face à des besoins croissants en raison du vieillissement de la population. Ils permettront notamment de renforcer les aides aux personnes âgées en perte d’autonomie, d’accroître les effectifs dans les EHPAD, et de soutenir les initiatives d’adaptation des logements aux besoins des seniors. « Nous respectons le débat parlementaire à venir sur cette question », a déclaré Mme Vautrin, tout en soulignant le potentiel de cette mesure pour renforcer la soutenabilité du système de protection sociale.
Le gouvernement justifie cette réforme par l’impératif de financer les dépenses liées à la dépendance, tout en limitant le recours à l’endettement ou à des hausses de cotisations. Avant de retenir cette solution, d’autres options ont été envisagées, telles qu’une augmentation ciblée des cotisations sociales ou un relèvement progressif des taxes sur certains produits de consommation, mais elles ont été jugées moins viables politiquement et économiquement. Cependant, ce choix n’est pas sans conséquences sociales et économiques.
Les syndicats ont immédiatement réagi à cette annonce. La CFDT s’inquiète des effets sur la qualité de vie des salariés et appelle à une concertation approfondie avec les employeurs pour compenser cette hausse par des aménagements favorables, comme le télétravail ou des jours de congé supplémentaires.
De son côté, la CGT a vivement critiqué une décision qu’elle juge « injuste et antisociale ». Elle estime que cette mesure pourrait creuser les inégalités entre les salariés et aggraver la précarité, notamment pour ceux qui cumulent plusieurs emplois.
Du côté patronal, le MEDEF s’est montré favorable, estimant que l’augmentation de la durée de travail pourrait contribuer à accélérer la reprise économique et renforcer la productivité. Toutefois, l’organisation insiste sur la nécessité de compenser cet allongement par des incitations fiscales.
Pour les agents de la fonction publique, l’impact de cette mesure pourrait être significatif. Actuellement fixée à 1 607 heures, la durée annuelle de travail dans ce secteur avait déjà fait l’objet de réformes en 2021 pour harmoniser les pratiques. Cette nouvelle augmentation risque de susciter un fort sentiment de mécontentement, notamment chez les fonctionnaires territoriaux, souvent sollicités pour la gestion de projets locaux complexes, et les personnels hospitaliers, confrontés à des charges de travail accrues et à un manque récurrent de moyens humains et matériels. Ces deux catégories sont particulièrement vulnérables en raison de la pression quotidienne exercée par leurs missions de service public essentielles.
La FSU (Fédération Syndicale Unitaire) a déjà annoncé son intention de mobiliser les agents publics pour contester cette réforme qu’elle considère comme une remise en cause des acquis sociaux.
L’augmentation de la durée annuelle de travail dans les secteurs privé et public est une mesure décisive qui vise à répondre à des enjeux structurels de financement, en particulier pour garantir la soutenabilité des dépenses sociales. Cependant, elle risque de déstabiliser le climat social en imposant une pression supplémentaire sur les salariés et les fonctionnaires, déjà confrontés à des contraintes organisationnelles et personnelles importantes. Le gouvernement devra naviguer avec prudence dans un paysage politique et social fragilisé par les crises récentes. Le débat parlementaire qui s’ensuivra sera déterminant pour définir les modalités d’application et tenter d’éviter une crispation sociale durable.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com