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L’exercice des fonctions de responsable des ressources humaines (RRH) expose à des contraintes multiples, telles que la gestion des conflits, les réorganisations complexes, ou encore l’accompagnement des agents en difficulté, souvent invisibles mais lourdes de conséquences sur la santé mentale. En milieu professionnel, ce poste est au carrefour des attentes des salariés, des impératifs organisationnels et des décisions stratégiques. Cet article se propose d’éclairer les mécanismes d’usure mentale auxquels les RRH sont confrontés, ainsi que leurs conséquences sur la mobilité et le turnover dans le secteur public.
L’usure en santé mentale chez les responsables RH est une réalité de gestion reconnue par de nombreuses études (Baromètre Cegos, 2023). Ces professionnels sont soumis à des injonctions paradoxales : gérer les réorganisations et les réductions de postes tout en préservant le bien-être des salariés, arbitrer les conflits tout en respectant des objectifs quantitatifs et qualitatifs.
Dans le secteur public, cette pression est accentuée par la responsabilité envers des missions d’intérêt général, comme la mise en place de dispositifs d’accompagnement pour les populations vulnérables ou l’organisation de services essentiels en période de crise. Un rapport du CNFPT (2022) souligne que les RRH des collectivités territoriales, notamment, se sentent souvent isolés et insuffisamment soutenus dans leur rôle d’intermédiaire entre les élus, les agents et les instances syndicales.
Cette usure mentale constitue un véritable levier de mobilité professionnelle et de turnover, car elle pousse les responsables RH à rechercher des environnements moins contraignants ou à envisager des reconversions professionnelles pour préserver leur équilibre psychologique. Selon une étude de l’Association des DRH des grandes collectivités (2023), près de 45 % des RRH envisagent une reconversion après cinq ans d’exercice. Les raisons invoquées incluent :
-La fatigue émotionnelle provoquée par la gestion récurrente des conflits.
-Le sentiment d’impuissance face à des décisions imposées d’en haut.
-Un manque de reconnaissance institutionnelle.
Ces dynamiques sont particulièrement marquées dans les collectivités de taille moyenne, où les équipes RH sont réduites et les moyens limités.
La crise sanitaire de la Covid-19 a agi comme un véritable catalyseur des tensions préexistantes. Pendant cette période, les RRH ont été en première ligne pour mettre en place des protocoles sanitaires, comme l’organisation de tests systématiques ou la distribution d’équipements de protection, gérer le télétravail, répondre aux inquiétudes des agents sur leur sécurité et leur santé, et anticiper les impacts psychosociaux tels que l’isolement ou l’épuisement des équipes. Ces nouvelles missions ont créé une surcharge de travail et un stress prolongé, accentuant les risques de burn-out.
Un autre facteur est l’évolution des attentes des salariés. Depuis la crise, les agents n’hésitent plus à exprimer ouvertement leurs difficultés personnelles au travail. Selon une étude de l’Observatoire de la Qualité de Vie au Travail (2024), 63 % des RRH estiment que la gestion des problèmes psychosociaux individuels occupe une part croissante de leur activité. Cela ajoute une dimension émotionnelle à leur charge de travail, souvent au détriment de leur propre bien-être.
Dans le secteur public, les réformes successives en matière de gestion des effectifs et de rationalisation des ressources humaines ont accentué la pression. Les RRH doivent jongler avec des contraintes budgétaires strictes tout en maintenant un dialogue social apaisé. Ce double objectif est souvent perçu comme intenable.
Face à cette réalité, il est crucial d’adopter une approche préventive et proactive. Parmi les solutions préconisées :
1) Renforcer le soutien organisationnel : proposer des formations régulières, mettre en place des groupes d’échange entre pairs pour rompre l’isolement.
2) Clarifier les rôles et responsabilités : éviter les charges de travail non prioritaires et déléguer certaines missions.
3) Mettre en place des outils de gestion du stress : séances de coaching, dispositifs de soutien psychologique pour les cadres.
4) Promouvoir une culture de reconnaissance : valoriser les apports des RRH à travers des récompenses symboliques ou matérielles.
L’usure mentale des responsables RH est un enjeu majeur, tant pour les individus que pour les organisations. Elle est accentuée par la complexité croissante des missions, les attentes élevées des salariés et les conséquences de la crise sanitaire. Reconnaître et traiter cette problématique est essentiel pour préserver ces acteurs-clés du fonctionnement des organisations publiques. Les décideurs et élus pourraient, par exemple, allouer davantage de ressources aux services RH, instituer des dispositifs de soutien psychologique dédiés et promouvoir des politiques visant à mieux reconnaître la valeur des responsables RH dans le maintien de la cohésion sociale et organisationnelle. En tant qu’experts en ressources humaines, nous avons la responsabilité collective de créer un cadre de travail qui favorise à la fois l’efficacité et le bien-être.
Il est primordial de continuer à sensibiliser les organisations et les élus à l’importance de soutenir leurs cadres RH, sans qui les institutions seraient bien en peine d’assurer leurs missions quotidiennes.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com