Retour sur quelques exemples jurisprudentiels fin 2006 concernant les rapports entre la vie privée des agents et le service public : plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ont montré que la vie privée des agents peut être parfois à l’origine de poursuites disciplinaires.
La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que les sanctions disciplinaires visent à punir les fautes commises par un fonctionnaire " dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ".
La formule est assez vague mais suppose tout de même un lien avec l’exercice des fonctions. Difficile d’imaginer donc, à partir des textes applicables, que des faits relatifs à la vie privée puissent être à l’origine de sanctions disciplinaires.
L’exemple en est pourtant donné au travers de plusieurs arrêts du Conseil d’Etat.
Ainsi un agent exerçant les fonctions de médiateur dans les transports publics, peut faire l’objet de poursuites disciplinaires lorsqu’il s’est rendu coupable de deux agressions graves quand bien même ces agressions se seraient produites en dehors du service (CE, 27 juill. 2006, n° 288911, Agglomération région de Compiègne). L’arrêt retient notamment que " la circonstance que des agissements ont été commis par un agent public en dehors de son service et n’ont pas port atteinte à la réputation de l’Administration, faute d’avoir été divulgués, ne suffit pas à les rendre insusceptibles de justifier une sanction disciplinaire sir leur gravité les rend incompatibles avec les fonctions effectivement exercées par l’intéressé ".
Un autre arrêt d’octobre 2006 retient quant à lui que l’agent qui a " en toute connaissance de cause, prêté d'importantes sommes d'argent à un collègue et couvert les activités de ce dernier qui (…) était impliqué dans la gestion commerciale de clubs échangistes ; qui a en outre recommandé à des tiers la fréquentation de ces établissements ; a par l'ensemble de son comportement, (…) créé une équivoque sur ses fonctions de commissaire de police et méconnu gravement les obligations déontologiques qui s'imposaient à lui " justifiant ainsi les sanctions disciplinaires prises à son encontre. (CE 25 octobre 2006, n° 286360, Michel C.).
Afin de garantir l’équilibre entre respect de la vie privée des agents, et le bon fonctionnement de l’administration, la jurisprudence s’appuie sur un certains nombre de considérations permettant le cas échéant d’engager ou non des poursuites disciplinaires contre un agent pour des faits relatifs à la vie privée.
- La jurisprudence prend tout d’abord en compte l’atteinte qui a pu être faite à la réputation du corps ou du service. Ce premier critère suppose une publicité des faits reprochés à l’agent et un certain impact sur l’opinion publique. Cela peut aboutir à des jugements très variables d’un cas à l’autre : pour des faits similaires, c’est la publicité ou non des faits qui fera qu’un agent sera sanctionné ou non. Ainsi le vol de vêtement dans un supermarché par un gardien de la paix justifie sa révocation dès lors que les faits ont été relatés dans la presse locale (CE, 27 sept. 1991, n°119244, Min. Int. c/ Félix), tandis que le vol de vêtements par un gendarme dans un grand magasin, ne justifie pas sa radiation, le directeur du magasin n’ayant pas porté plainte et les faits n’ayant pas été connus du public (CE, 25 mai 1990, n° 94461, Kiener).
- La jurisprudence prend ensuite en compte la gravité des faits reprochés à l’agent, qui lorsqu’elle est considérée incompatible avec l’exercice des fonctions publiques exercées par l’agent, justifie les poursuites disciplinaires. C’est ainsi l’exemple précité de l’arrêt du 27 juillet 2006, " Agglomération région de Compiègne ".
- A ces éléments s’ajoutent encore les manquements aux obligations de réserve, de secret et de discrétion professionnelle, sur lesquels la jurisprudence peut également s’appuyer pour justifier une sanction disciplinaire, quand bien même les manquements auraient été commis en dehors du service.
Les circonstances dans lesquelles la vie privée peut être à l’origine de poursuites disciplinaires ne sont donc pas strictement encadrées par un texte de loi, ce qui peut donner parfois lieu à des solutions assez variables pour des cas pourtant similaires. Mais au-delà de ces exemples un peu étonnants, cela a le mérite de permettre une adaptation au cas par cas des solutions et une évolution des critères avec la société et son temps.
Source Adialo