Il peut arriver au cours de la carrière d’un agent que soient mises en œuvre, à son encontre, les dispositions de l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui permet à une autorité territoriale, en cas de faute grave commise par l’intéressé (manquement à ses obligations professionnelles ou infraction de droit commun), de suspendre ce dernier. Tout comme un fonctionnaire peut se trouver " empêché " d’exercer ses fonctions, pendant un temps plus ou moins long, par suite d’une incarcération, préventive ou non.
Quelle position statutaire ?
Un fonctionnaire doit toujours se trouver dans une position régulière [1], le non respect de cette obligation constituant une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration [2], sachant qu’un fonctionnaire ne peut être simultanément dans plus d’une position prévue par son statut [3].
La suspension est une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service, destinée à éloigner temporairement un agent du service en attendant qu’il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle n’a pas de caractère disciplinaire et n’exige pas que l’intéressé soit mis à même de présenter au préalable sa défense. Elle ne fait pas partie des décisions devant être motivées au sens de la loi du 11 juillet 1979 [4], et ne peut avoir d’effet rétroactif sauf dans le cas de l’arrestation du fonctionnaire en cause où elle peut prendre effet à la date de l’arrestation.
La suspension, comme l’incarcération, est une mesure essentiellement provisoire. Elle n’a donc pas pour effet de rendre le poste de l’intéressé vacant. L’intéressé continue d’être lié au service public et doit, en conséquence observer la réserve qu’exige sa qualité de fonctionnaire.
Un fonctionnaire qui n'a pas été radié des cadres doit toujours être placé en position statutaire car s'il n'a été ni suspendu, ni mis en disponibilité, il reste en position d'activité et dans ces conditions, le temps d'incarcération doit être assimilé à une position d'activité et il doit continuer à acquérir des droits à l'avancement [5].
Dans une décision du 15 juin 1999 [6], le TA de Dijon a admis que le temps passé par un agent public en détention provisoire doit, en l'absence de mesure de suspension, être décompté comme service actif pour l'avancement.
Ainsi, il est permis d’en déduire que l’agent qui est suspendu ou incarcéré, mais non encore condamné, reste en position d’activité. Mais à la différence de la suspension, l’incarcération préventive est décomptée comme service effectif pour l’avancement.
Quelle rémunération ?
En ce qui concerne les droits au traitement, l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précise que le fonctionnaire n'a droit au paiement de son traitement qu'en contrepartie de l'accomplissement de son service. L’autorité territoriale n’est pas tenu de prendre à l’encontre d’un agent incarcéré une mesure de suspension.
Un agent qui, en raison de son incarcération, se trouve dans l'impossibilité d'accomplir son service, perd tout droit à traitement à partir de la date de son incarcération, alors qu’un agent suspendu conserve son traitement, l’indemnité de traitement, le supplément familial de traitement et les éventuelles prestations familiales obligatoires pendant quatre mois, délai au terme duquel sa situation doit être réglée après avis du conseil de discipline qui doit être saisi dès la décision de la mesure de suspension.
Si au terme de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité territoriale, l’agent suspendu est réintégré dans ses fonctions, sauf s’il fait l’objet de poursuites pénales. S’il n’est pas rétabli dans ses fonctions en raison de poursuites pénales [7], il peut subir une retenue sur son traitement au plus égale à la moitié. Mais les suppléments pour charges de famille continuent d’être versés en totalité.
Si un fonctionnaire suspendu vient à être incarcéré, l’autorité territoriale peut décider de mettre fin à la suspension et constater que, du fait de l’incarcération, l’intéressé perd tout droit à traitement [8]. Mais la mesure de suspension n’étant pas incompatible avec l’incarcération, l’autorité territoriale peut décider de conserver à l’agent les droits à rémunération liés à la suspension [9]
Il en serait autrement pour un condamné : en effet, dès lors qu'un agent ne remplit plus les conditions prévues par l'article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, l'intéressé ne peut conserver sa qualité de fonctionnaire. L'administration est alors tenue de tirer les conséquences du jugement de condamnation en prononçant éventuellement la radiation des cadres.
Contribution de M. TEYSSIER / Article LDC
[1] CE, 12 février 1969, Ministre de l’Education Nationale c/ Morin, Rec. p. 93.
[2] CE, 1er décembre 1982, Gérard, Rec. T. p. 629.
[3] CE, 31 mai 1963, Ministre du Travail c/ Hornez, Rec. p. 345.
[4] CE, 7 novembre 1986, Edwige, Rec. T. p. 350 ; AJDA 1987, p. 286.
[5] CE, 15 juillet 1964, Préfet de le Seine c/ Sieur Hammache.
[6] M. N. c/ La Poste, Req. n° 971478.
[7] Par poursuites pénales, il faut entendre la mise en œuvre de l’action publique et non pas une simple plainte ou une enquête officieuse à l’encontre de l’agent (CE, 19 novembre 1993, Vedrenne, RFD adm. 1994, 196).
[8] CE, 13 novembre 1981, Commune de Houilles, AJDA 1982, p. 79 et 100.
[9] CE, 13 novembre 1981, précité ; CAA Paris, 19 juin 1996, Syndicat Intercommunal du Centre et du Sud de la Martinique, Req. n° 95PA01580, Cah. Fonct. Publ., n° 150, p. 33.