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La gestion de la consommation d'alcool sur le lieu de travail constitue un défi délicat pour les responsables des ressources humaines dans la fonction publique territoriale. Bien qu’il n'existe pas de texte législatif spécifique encadrant cette question, les principes fondamentaux de santé, de sécurité et de responsabilité, inscrits dans le Code du travail, imposent des obligations claires aux employeurs. L'INRS, dans son bulletin d’avril 2025, souligne l’importance de bien comprendre les enjeux liés à l’alcool au travail, notamment en raison de l'absence de seuil légal d'alcoolémie et de la difficulté à définir un état d’ivresse. Il est essentiel que les responsables RH soient équipés de bonnes pratiques pour réagir adéquatement face à cette problématique, dans le respect de la législation et du bien-être des agents.
La consommation d'alcool, même en faible quantité, peut avoir des effets significatifs sur les capacités physiques et mentales d'un individu. Sur le lieu de travail, et plus particulièrement dans les services publics, ces effets peuvent entraîner des risques graves, tant pour la sécurité des agents que pour la qualité du service rendu à la population.
Les principaux enjeux sont les suivants :
- La santé physique et mentale des agents : la consommation d’alcool, même modérée, peut altérer les réflexes, la concentration et la prise de décision. À long terme, elle peut mener à une dépendance ou à des troubles psychiques. Cela nuit à la productivité, mais aussi à la santé générale de l'agent.
- La sécurité au travail : l’alcool compromet la vigilance et les réflexes nécessaires sur certains postes à risque, comme ceux de conduite de véhicules, de manipulation de machines ou de gestion de situations d’urgence. Il augmente considérablement le risque d’accidents du travail.
-La responsabilité de l'employeur : en vertu de l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de garantir la santé et la sécurité de ses agents. Cela implique de prévenir, d’identifier et d’intervenir face à toute situation de consommation excessive d’alcool, sous peine d'engager sa responsabilité en cas d’incident.
Bien que la fonction publique territoriale ne dispose pas d’une réglementation spécifique sur la question de l’alcool, le principe de sécurité au travail est primordial. Cela justifie la mise en place de mesures préventives et, lorsque nécessaire, des actions correctives en cas de comportement inadapté.
L’une des difficultés majeures pour les responsables RH réside dans l’identification d’un état d’alcoolémie. Contrairement aux stupéfiants, il n’existe pas de seuil d’alcoolémie légalement défini pour les salariés, ce qui complique la reconnaissance formelle d’un état d’ivresse. Les signes d’alcoolisation sont variables et peuvent se confondre avec d'autres symptômes liés à des maladies ou à des troubles temporaires.
Les signes courants de l’alcoolisation sont les suivants :
- Propos incohérents ou perturbés : les agents peuvent avoir du mal à maintenir une conversation cohérente ou à exprimer clairement leurs idées. Cette incohérence dans la communication peut être un premier indice d'une consommation excessive.
- Perte d'équilibre ou démarche instable : bien que discrète, une démarche hésitante ou des gestes maladroits sont des signes visibles d’alcoolisation qui peuvent affecter le bon déroulement du travail.
- Haleine alcoolisée : bien que ce signe soit évident, il n’est pas suffisant en soi pour conclure à un état d'ivresse, car il peut aussi résulter d’une consommation modérée.
- Gestes inadaptés ou comportements inhabituels : le salarié peut présenter des signes de désorientation, comme une incapacité à effectuer des tâches simples ou des gestes imprécis, ce qui peut être dangereux selon le type de travail effectué.
L’option de procéder à un test d’alcoolémie se pose souvent dans ces situations, mais elle n’est pas systématique et doit respecter des conditions strictes. Si le comportement du salarié suggère un risque pour sa sécurité ou celle de ses collègues, le responsable RH peut envisager la possibilité de réaliser un test.
Toutefois, il est essentiel de noter que ce test ne peut être imposé que dans un cadre précis : l’employeur doit informer l’agent de la possibilité d’effectuer un test, et celui-ci doit y consentir. Le test doit être effectué par un professionnel habilité (médecin du travail, personnel formé) et dans le respect des droits du salarié. En cas de contestation, le responsable RH doit être prêt à justifier la procédure suivie.
L’alcoolisme est une maladie, et en tant que tel, il doit être traité avec compassion et respect. L’approche doit viser à soutenir l’agent tout en préservant la sécurité au travail et en assurant la continuité du service public.
Le DUERP doit inclure les risques liés à l'alcool et aux autres addictions. Cela permet de mieux identifier les dangers et de mettre en place des mesures préventives adaptées, telles que la sensibilisation aux risques liés à l'alcool et l'établissement de protocoles de gestion en cas de consommation excessive.
Les responsables RH, les encadrants et les agents doivent être formés à la détection et à la gestion des conduites addictives. Ces formations permettent de mieux comprendre les signes avant-coureurs d’une addiction, mais aussi d’agir de manière préventive avant qu’une situation de crise ne se produise.
Les encadrants jouent un rôle clé dans la détection des comportements à risque. Ils sont les premiers à observer les changements de comportement et à identifier les signes d’alcoolisation. Un suivi régulier et une communication claire avec les agents permettent de repérer les problèmes à un stade précoce et d’agir de manière appropriée.
Il est essentiel de développer des partenariats avec des structures spécialisées dans l’accompagnement des addictions. Cela permet de proposer aux agents des solutions de réinsertion adaptées, qu’il s’agisse de soins médicaux, de thérapies ou de programmes de réhabilitation.
Les services de médecine préventive doivent être activement impliqués dans la gestion des risques liés à l’alcool. En menant des actions de prévention et en fournissant un soutien direct aux agents, ils peuvent jouer un rôle central dans la lutte contre les addictions et aider à la réintégration des agents concernés.
La gestion de la consommation d'alcool dans la fonction publique territoriale nécessite une approche équilibrée entre rigueur et humanité. Les responsables RH doivent agir de manière préventive, tout en garantissant un environnement de travail sûr et respectueux des droits des agents. La mise en place d’une politique de prévention, accompagnée de formations spécifiques et de partenariats avec des structures spécialisées, est essentielle pour gérer cette problématique de manière efficace.
À mon sens, une gestion adéquate de ces situations passe avant tout par une démarche préventive et accompagnante, qui respecte l’humain tout en assurant la sécurité et la qualité du service public.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com