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L'intelligence artificielle générative (IAG) s'impose comme une révolution discrète mais profonde dans la sphère publique. Pour les directeurs des ressources humaines (DRH) des collectivités territoriales, elle ouvre un champ de possibles aussi prometteur que complexe. Il ne s'agit plus seulement d'anticiper, mais de comprendre, structurer, et accompagner une transformation durable des pratiques de gestion des ressources humaines (GRH).
Dans ce contexte, les DRH sont appelés à jouer un rôle central de pilotage, entre innovation, pragmatisme et valeurs de service public. Cet article propose un tour d'horizon des outils disponibles, une méthodologie de déploiement adaptée au contexte territorial, et une analyse critique des enjeux de terrain.
L'intérêt des outils d'IAG pour les DRH réside dans leur capacité à réduire la charge administrative, améliorer la qualité des documents produits et faciliter l'accès à l'information. Les plus matures s'appuient sur des modèles de langage (LLM), capables de générer des textes, résumer des documents, automatiser des courriels, rédiger des comptes rendus ou encore analyser des compétences à partir de CV. Parmi les solutions utilisables par les DRH :
- ChatGPT, Claude, Mistral : assistants conversationnels pour répondre aux questions RH, rédiger des documents ou former les agents.
- Jasper, Writer, Notion AI : outils de rédaction assistée pour les notes de service, comptes rendus, offres d'emploi.
- Textio, HireVue : outils d'analyse des biais dans les annonces de recrutement ou entretiens vidéo automatisés.
Des solutions plus spécialisées permettent l'automatisation de processus internes :
- Synthèse de réunions et classement documentaire automatisé.
- Génération de fiches de poste à partir de modèles.
- Outils de correspondance compétences/postes ("matching").
Le déploiement de l'IAG dans une direction RH ne se résume pas à une acquisition technologique. Il repose sur un triptyque indispensable : acculturation, gouvernance et expérimentation.
- Acculturation : sensibiliser les agents et les managers aux potentialités de l'IA via des ateliers, des démonstrations, ou des formations ciblées. L'accès à ces outils doit être perçu comme un levier de développement professionnel.
- Gouvernance : définir un cadre éthique clair, adossé aux valeurs du service public. Le rôle des DPO, des comités éthiques et des DSI est central pour encadrer les usages et garantir la conformité au RGPD.
-Expérimentation : identifier des cas d'usages concrets, à faible risque mais à fort impact (rédaction automatique, pré-analyse de candidatures, FAQ RH interne) pour démontrer la valeur ajoutée.
Une feuille de route efficace s'articule en trois phases : diagnostic, pilote, puis généralisation progressive accompagnée d'évaluations régulières.
Malgré l'engouement pour ces technologies, plusieurs résistances et limites apparaissent sur le terrain :
- Complexité des réglementations RH : l'IAG ne peut remplacer la maîtrise des statuts, carrières et régimes indemnitaires très encadrés dans la fonction publique territoriale.
- Hétérogénéité des compétences numériques : le déploiement nécessite un accompagnement individualisé pour garantir l'inclusion de tous les agents.
- Souveraineté numérique : les collectivités doivent veiller au stockage local des données, à l'hébergement souverain, et à la sécurité des informations sensibles.
- Crainte de déshumanisation : la posture managériale doit évoluer afin d'intégrer ces outils sans compromettre le lien humain, essentiel à l'action publique.
Ces limites, loin d'être des freins insurmontables, doivent être vues comme des balises pour construire une IA publique éthique et utile.
L'IAG ne remplace pas le travail RH : elle en augmente la portée et l'efficacité. Dans les collectivités les plus avancées, elle libère du temps administratif au profit de la fonction conseil, de l'écoute active, et de l'accompagnement des parcours professionnels.
Le partage d'expériences entre DRH devient alors un axe structurant : groupes de travail inter-collectivités, retours d'expériences et benchmarks permettent de co-construire une intelligence collective publique. Certaines collectivités pilotes, comme la métropole de Lyon ou le département de la Gironde, ont ainsi engagé des démarches concertées d'acculturation et de test d'outils IA dans les services RH.
L'intelligence artificielle générative représente une opportunité majeure pour les directions RH des collectivités, à condition de s'inscrire dans une stratégie volontaire, réfléchie et partagée. Plus qu'un effet de mode, elle interroge le sens du travail RH à l'ère numérique. Le DRH devient un chef d'orchestre de l'innovation publique, garant de l'humain dans la modernisation des services.
Pour demain, il conviendra aussi de penser les compétences nouvelles que ces outils exigent : maîtrise des données, posture critique, gestion des risques technologiques. Une veille active et une formation continue seront les clefs d'une transformation durable.
Avis www.naudrh.com : cet enjeu n'est pas seulement technologique, il est fondamentalement culturel. L'IAG peut réenchanter le métier RH en allégeant la charge mentale et en redonnant du temps pour l'humain. Mais elle exige de sortir d'une logique d'« outil miracle » pour entrer dans une dynamique d'apprentissage collectif. C'est à cette condition qu'elle pourra constituer une véritable révolution utile dans la fonction publique territoriale.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com