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Un principe d'égalité en tension avec la reconnaissance individuelle
Dans la fonction publique, le principe d'égalité de traitement entre les agents est un fondement intangible. Il structure une organisation du travail où les garanties statutaires et l'ancienneté priment sur les logiques de performance individuelle. Pourtant, dans un contexte où les exigences du service public s'intensifient et où l'engagement des agents devient un pilier de la qualité rendue aux usagers, la reconnaissance du mérite individuel apparaît comme une nécessité. Comme le rappelle la Cour des comptes dans plusieurs de ses rapports, une meilleure reconnaissance de la performance individuelle est aussi un gage d'efficacité de l'action publique.
1. Une reconnaissance du mérite encore marginale et inégalement mobilisée
La fonction publique française demeure largement structurée par une logique de carrière où l'avancement repose prioritairement sur l'ancienneté. Certes, des dispositifs de reconnaissance du mérite existent : régime indemnitaire lié aux fonctions et à l'engagement professionnel (RIFSEEP), entretiens professionnels, avancements au choix, promotions internes, primes exceptionnelles... Toutefois, ces outils restent souvent perçus comme secondaires, peu lisibles et inéquitables.
Cette reconnaissance, encore trop accessoire, peine à s'inscrire dans une politique de gestion des ressources humaines cohérente et stratégique. Dans les collectivités territoriales notamment, les marges d'interprétation laissent place à une grande hétérogénéité dans l'application des dispositifs, souvent freinée par un manque d'outillage, de culture managériale ou de volonté politique assumée. Pourtant, certaines collectivités pionnières comme la Ville de Lyon ou le Département de Loire-Atlantique ont su mettre en place des systèmes de reconnaissance structurés, articulant entretiens professionnels approfondis, primes d'engagement et valorisation de projets innovants.
2. Le mérite : levier d'engagement, de motivation et de sens
Reconnaître le mérite ne revient pas à instaurer une compétition débridée entre agents. Il s'agit plutôt de valoriser la contribution singulière de chacun à la réussite collective du service public. Cela suppose une appréciation qualitative de la rigueur, de l'initiative, de la créativité, de l'éthique, de l'esprit d'équipe ou encore de la capacité à assumer des responsabilités nouvelles.
Cette reconnaissance devient un facteur de motivation puissant, d'autant plus efficace qu'elle est exprimée de façon transparente, juste et adaptée aux réalités du terrain. Elle permet à l'agent de se sentir reconnu dans sa singularité, soutenu dans ses efforts, et valorisé pour son apport. Elle concilie l'exigence d'égalité avec celle d'équité.
3. Vers une culture managériale renouvelée de la reconnaissance
Pour donner toute sa place au mérite, il est impératif de faire émerger une véritable culture managériale de la reconnaissance. Cela passe par la formation des encadrants à des postures d'écoute active et de valorisation, la clarification des critères d'appréciation, l'encouragement à des retours constructifs réguliers, ainsi que la mise en lumière des réussites individuelles et collectives.
De nombreux outils existent : entretiens professionnels enrichis, bilans de compétences, dispositifs de mentorat, constitution d'équipes projets transversales, concours internes fondés sur les parcours, évolution des référentiels de compétences... Cette liste pourrait être allégée pour renforcer la lisibilité, ou présentée sous forme de deux phrases. Encore faut-il que ces dispositifs soient pensés non comme de simples formalités, mais comme de véritables leviers d'accompagnement et de reconnaissance.
Pour une fonction publique qui cultive le mérite comme levier de transformation
Le mérite dans la fonction publique ne saurait être un luxe réservé à une minorité. Il est une condition essentielle de responsabilisation, d'engagement durable et d'efficacité collective. Pour autant, sa mise en valeur questionne les équilibres historiques entre statut, ancienneté et performance. Pourtant, en renforçant la cohésion des équipes, en stimulant l'innovation et en favorisant la fidélisation des talents, le mérite peut devenir un véritable moteur de transformation pour une administration plus agile et plus humaine.
Avis www.naudrh.com : il est grand temps de repenser la manière dont la fonction publique valorise ses talents. Reconnaître le mérite ne revient pas à affaiblir les valeurs d'égalité, mais à leur offrir une profondeur humaine et dynamique. Le mérite, s'il est bien appréhendé, devient un ferment d'excellence partagée et un vecteur de cohésion dans les équipes.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com