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Le 13 mai 2025, le Président Emmanuel Macron a ouvert une brèche préoccupante lors de son intervention télévisée, suggérant que la suppression du statut des fonctionnaires pour les versants hospitalier et territorial pourrait constituer une piste d’économies substantielles. Cette hypothèse, loin d'être anodine, mérite une analyse approfondie et une vigilance accrue, car ses implications dépassent largement le simple cadre budgétaire affiché, touchant également à des enjeux cruciaux tels que la justice sociale, l'efficacité des services publics et les choix politiques de redistribution des ressources.
Tout d’abord, il est essentiel de rappeler que le déficit public ne sera pas réglé par une remise en cause du statut des agents publics. Cette simplification abusive laisse penser à tort que le problème principal du déficit public proviendrait essentiellement du coût des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, alors que d'autres facteurs, bien plus déterminants, demeurent sous-évalués ou ignorés.
Curieusement, le chef de l'État a spécifiquement ciblé les fonctions publiques territoriale et hospitalière, excluant, pour l'instant, la fonction publique d’État, rappelant ainsi des situations passées où des réformes initialement limitées ont fini par toucher l'ensemble des secteurs, comme cela a été le cas lors de la réforme des retraites de 2023 ou lors des réformes successives des contrats de travail dans la fonction publique européenne. Cependant, personne ne doit se sentir à l’abri d’une telle démarche. Une fois le processus engagé, rien ne garantira le maintien du statut pour les fonctionnaires de l'État. La logique ainsi impulsée pourrait aboutir à une généralisation à l’ensemble de la fonction publique.
Derrière cette apparente recherche d'économies, se cache un projet idéologique clair : libéraliser la fonction publique, objectif assumé par Emmanuel Macron dès le début de son mandat. Mais ce paradigme du profit, imposé à l'intérêt général, est-il réellement bénéfique ? Rien n’est moins sûr. L'intérêt général implique par nature la continuité, l'égalité d’accès, et la neutralité des services publics. L’introduction massive de contrats privés et la suppression du statut pourraient mettre à mal ces principes fondamentaux.
Par ailleurs, cette annonce intervient dans un contexte déjà tendu, marqué par le non-remplacement de milliers de postes, la fermeture progressive de services publics en milieu rural et la suppression de nombreuses classes dans les établissements scolaires.
À cela s'ajoute la dégradation continue des infrastructures hospitalières, notamment des services d'urgence, situation indigne d’une puissance économique telle que la France. Le mécontentement social s’en trouve exacerbé, alimenté par le sentiment croissant d'abandon et de déclassement des territoires ainsi que des services publics essentiels à la vie quotidienne des citoyens.
Le statut des fonctionnaires n’est-il pas déjà suffisamment fragilisé par la multiplication des contrats à durée indéterminée et par les embauches massives sous contrat, dans toutes les catégories hiérarchiques ? La précarisation progressive des emplois publics, déjà en cours, n’a pas permis d'améliorer notablement l'efficacité ni de générer des économies substantielles. À l’inverse, elle a souvent entraîné une baisse de la qualité des services rendus à la population et une démotivation importante chez les agents.
Les salaires des agents publics progressent depuis longtemps beaucoup moins rapidement que ceux du secteur privé, avec un écart moyen estimé à près de 10 % selon l'INSEE en 2023. Cette situation entraîne une dévalorisation réelle des métiers pourtant essentiels à la société. Ainsi, prétendre que la suppression du statut représenterait une économie substantielle apparaît comme une tentative d’alimenter des croyances populaires infondées sur le coût prétendument excessif des fonctionnaires.
Quel est donc l'objectif réel derrière cette annonce ? S'agit-il d'accélérer la dégradation des services publics pour mieux préparer leur privatisation rampante, ou cherche-t-on plutôt à détourner l'attention du public des véritables causes du déficit public, comme l'évasion fiscale et les choix budgétaires contestables du gouvernement ?
Face aux enjeux majeurs que cette annonce soulève, il est impératif que les professionnels du dialogue social, les élus, et l'ensemble des agents publics restent vigilants et mobilisés. La suppression du statut des fonctionnaires est un faux remède à de vrais problèmes économiques et sociaux. Il est de notre devoir collectif de dénoncer cette instrumentalisation politique et d’œuvrer ensemble pour un service public fort, équitable et respectueux des principes républicains.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com