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La crise sanitaire liée à la Covid-19 a marqué un tournant décisif dans les habitudes professionnelles, bousculant les modèles traditionnels et accélérant l’émergence de pratiques de travail hybrides. Parmi ces évolutions, le phénomène du « bleisure » – contraction des mots anglais business (travail) et leisure (loisir) – s’impose progressivement. Ce concept, qui consiste à intégrer des moments de loisirs personnels à un déplacement professionnel, séduit particulièrement la Génération Z. Initialement développé dans le secteur privé, il commence à interpeller le secteur public, notamment parce que les attentes des agents évoluent vers plus de flexibilité, d’épanouissement et de personnalisation de l’expérience professionnelle, y compris dans le cadre des missions de service public. La fonction publique territoriale (FPT) peut-elle s’approprier cette tendance ? Quels en seraient les avantages et les conditions de mise en œuvre ?
La Génération Z, née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, place la qualité de vie, la flexibilité et l’accomplissement personnel au cœur de ses attentes professionnelles. Pour ces jeunes agents, le travail ne doit pas se concevoir comme une contrainte figée mais comme une expérience équilibrée, mêlant utilité sociale et bien-être individuel. Dans ce contexte, le bleisure se présente comme une réponse à leur besoin de flexibilité et d’enrichissement personnel, notamment lors de déplacements liés à leur activité.
Les collectivités territoriales font face à un enjeu majeur : attirer et fidéliser les talents. En s’inspirant du modèle du bleisure, elles peuvent moderniser leur image, notamment auprès des jeunes générations. Cette adaptation pourrait prendre plusieurs formes concrètes, telles que :
-La possibilité, pour les agents en mission, de prolonger leur séjour à titre personnel sans surcoût pour la collectivité ;
-L’organisation de séminaires ou de formations dans des lieux offrant un cadre agréable et ressourçant ;
-La valorisation du télétravail dans des lieux choisis par l’agent, au-delà du seul domicile, sous réserve du respect des obligations professionnelles.
En prolongeant cette logique d'attractivité et d'adaptation aux nouveaux usages, l’intégration réfléchie du bleisure dans la gestion des ressources humaines peut contribuer à :
-Renforcer la motivation et le bien-être des agents ;
-Réduire l’absentéisme et améliorer la rétention des talents ;
-Accroître la productivité en favorisant un environnement de travail plus engageant et responsabilisant.
Ces avantages supposent cependant un encadrement rigoureux afin d’éviter les inégalités de traitement et les dérives potentielles.
Afin de traduire concrètement cette dynamique dans les pratiques de gestion publique, les collectivités doivent s'engager dans une démarche proactive. Il ne suffit pas d'adhérer au principe du bleisure : encore faut-il en organiser les modalités avec rigueur et pragmatisme.
Pour intégrer le bleisure dans le fonctionnement d’une collectivité, plusieurs mesures concrètes peuvent être envisagées :
1. Adapter les règlements intérieurs : intégrer des dispositions précises encadrant les séjours mêlant activité professionnelle et temps personnel.
2. Clarifier les responsabilités financières : définir les modalités de prise en charge des frais et les règles applicables aux prolongations de séjour à caractère privé.
3. Promouvoir une culture managériale basée sur la confiance : privilégier la gestion par les objectifs, en valorisant les résultats plus que la présence physique.
4. Soutenir le nomadisme professionnel : développer des conventions avec d’autres collectivités ou des tiers-lieux pour faciliter des conditions de travail temporaires de qualité.
5. Former les encadrants : accompagner les managers dans l’évolution des pratiques et des attentes, afin qu’ils puissent piloter ces nouvelles formes d’organisation avec discernement.
Loin d’être un effet de mode, le bleisure s’inscrit dans une transformation durable des rapports au travail. En favorisant la motivation, la fidélisation des talents et la qualité de vie au travail, cette pratique peut contribuer à moderniser en profondeur les politiques RH des collectivités territoriales. Il reflète une aspiration à davantage d’équilibre, de sens et de liberté dans l’exercice professionnel. Pour la fonction publique territoriale, il ne s’agit pas de se conformer aux pratiques du secteur privé, mais de se saisir de cette tendance pour proposer des modalités de travail plus modernes, sans perdre de vue les impératifs du service public.
Avis www.naudrh.com : la FPT gagnerait à expérimenter le bleisure de manière encadrée, comme levier de motivation et d’attractivité. Cette approche, si elle est pilotée avec prudence et équité, pourrait constituer une avancée significative dans l’adaptation du service public aux attentes contemporaines des agents.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com