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Faut-il alléger le fardeau fiscal de l'État au détriment des retraités ? C’est la question que soulève la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui propose de supprimer l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités. Une mesure qui, loin d'être anecdotique, pourrait bouleverser le quotidien de millions de Français.
Créée en 1978 sous le gouvernement de Raymond Barre, l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite visait à compenser l'impossibilité pour les retraités de déduire leurs frais professionnels, contrairement aux actifs. À l’époque, il s’agissait de rétablir une forme d’équité entre actifs et retraités en tenant compte du fait que ces derniers ne pouvaient plus bénéficier de déductions fiscales liées à des frais professionnels.
Ce dispositif s’applique également aux pensions de réversion et d’invalidité, et son montant est plafonné chaque année en fonction du barème de l’impôt sur le revenu. Cependant, dans un contexte où la nature des revenus de retraite a évolué et où de plus en plus de retraités n’ont plus de frais professionnels, cet abattement semble aujourd’hui appartenir à un autre temps. Le gouvernement estime donc qu'il n'est plus justifié, et qu’il ne correspond plus aux réalités économiques actuelles.
La principale justification avancée par le gouvernement pour la suppression de cet abattement est l’argument budgétaire. Cette niche fiscale coûte chaque année environ 4,5 milliards d’euros à l'État. Dans une période où le pays cherche à réduire son déficit public et à maîtriser ses finances, cette mesure serait une solution pour alléger le fardeau budgétaire.
Le gouvernement souhaite ainsi moderniser la fiscalité, en insistant sur l'idée que ce ne doit pas être l’âge qui détermine la contribution fiscale d'un individu, mais plutôt ses revenus et ses moyens. Certains économistes estiment que cette mesure bénéficierait avant tout aux retraités les plus aisés, ce qui poserait un problème d'équité. D’autres soulignent que l’abattement ne profite plus aux retraités dans une logique de frais professionnels, mais devient une forme d'avantage injustifié pour une catégorie particulière de la population.
L’annonce de la ministre a immédiatement suscité une levée de boucliers parmi les syndicats de retraités et les associations qui les défendent. Bernard Leclerc, président de l'UNSA-Retraités, a dénoncé une mesure qui, selon lui, aggraverait la situation financière des retraités les plus modestes. "Les retraités modestes, déjà durement affectés par la hausse des prix, ne devraient pas être les boucs émissaires de l'austérité budgétaire", a-t-il déclaré. Cette mesure, prévient-il, entraînerait une charge fiscale supplémentaire pour des millions de retraités qui, pour la plupart, vivent avec des ressources limitées.
De nombreux retraités expriment également leur mécontentement, estimant qu'ils sont à tort perçus comme une catégorie privilégiée. À leurs yeux, cette mesure représente une nouvelle attaque contre leur pouvoir d'achat déjà fragilisé. "Nous ne demandons pas des avantages fiscaux supplémentaires, mais simplement que l’on nous laisse vivre dignement", déclare un retraité de 67 ans, au revenu modeste.
La question de la suppression de l’abattement fiscal des retraités n’est pas nouvelle. En 2017, Emmanuel Macron proposait déjà une révision des avantages fiscaux des retraités, une idée qui avait été rapidement rejetée face à la forte opposition sociale. La Cour des comptes, dans ses rapports successifs, a aussi suggéré de revoir certains avantages fiscaux pour les retraités, mais les gouvernements précédents ont choisi de ne pas avancer sur ce terrain sensible, de peur d'enflammer les relations sociales.
Aujourd’hui, le contexte économique et les contraintes budgétaires poussent le gouvernement à reconsidérer cette niche fiscale. La suppression de cet abattement pourrait ainsi faire partie d’un ensemble de mesures visant à réduire le déficit public, mais les risques politiques et sociaux sont considérables.
La suppression de cet abattement fiscal pourrait-elle devenir un motif de censure du gouvernement ? Si cette mesure venait à être inscrite dans le projet de loi de finances 2026, elle serait probablement soumise à un débat parlementaire particulièrement animé. Les oppositions, qu’elles soient politiques ou sociales, chercheront à remettre en question une réforme qui touche de près le quotidien des retraités.
L’opposition syndicale et celle des associations de retraités risquent de mener des actions fortes pour protester contre cette mesure. De plus, la question de la justice fiscale pourrait être un point d’achoppement majeur lors du débat. Reste à savoir si cette proposition suscitera suffisamment de mécontentement pour entraîner une remise en question gouvernementale à travers une censure.
D’un point de vue économique, la suppression de cet abattement pourrait offrir des avantages significatifs pour les finances publiques. En réduisant une niche fiscale coûteuse, qui bénéficie principalement aux retraités aisés, l'État pourrait libérer des ressources pour d'autres investissements, notamment dans les politiques sociales et la réduction de la dette publique. De plus, certains estiment qu’une telle mesure permettrait d’améliorer l’équité fiscale en fonction des revenus réels des retraités.
Cependant, cette décision n'est pas sans risques. Si cette réforme est perçue comme un affaiblissement de la solidarité intergénérationnelle, elle pourrait nourrir un sentiment d’injustice fiscale, particulièrement pour les retraités les plus vulnérables.
La question de la fiscalité des retraités reste un sujet sensible en France. Supprimer cet abattement marquerait une rupture dans la manière dont le pays prend en charge ses retraités sur le plan fiscal. Le débat ne se limite pas à une simple question de finances publiques, mais touche aussi à la solidarité entre générations et à la place des retraités dans la société.
Le gouvernement est-il prêt à franchir ce pas et à lever ce tabou fiscal ? La réponse à cette question pourrait bien déterminer la façon dont la France aborde l’avenir de son système de retraite, mais aussi l’équité de son système fiscal en général.
Avis www.naudrh.com
La suppression de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités est une mesure audacieuse, mais qui soulève des questions importantes sur son équité et ses conséquences sociales. Si cette réforme permettrait de réaliser des économies substantielles pour les finances publiques, elle risquerait également d’aggraver les inégalités fiscales et de fragiliser davantage les retraités, notamment ceux aux revenus modestes. Il serait donc souhaitable que le gouvernement explore d’autres pistes de réformes fiscales, moins impactantes pour cette population vulnérable, afin de préserver l’équilibre entre redressement budgétaire et solidarité sociale.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
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