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Cadre général du temps de travail et des RTT dans la FPT
Dans la fonction publique territoriale (FPT), la durée légale du travail est de 35 heures par semaine (1607 heures par an) pour un agent à temps complet. Les collectivités peuvent toutefois organiser des cycles de travail au-delà de 35h hebdomadaires (38h, 39h, etc.), à condition d’octroyer des jours de réduction du temps de travail (RTT) en compensation, afin de ne pas dépasser la durée annuelle maximale de 1607 heures. Ces jours de RTT (ou jours ARTT) sont des jours de repos accordés en contrepartie d’une durée hebdomadaire supérieure à 35h et ne sont pas des congés annuels classiques.
Le cadre juridique de l’aménagement du temps de travail dans la FPT est fixé par le décret n°2000-815 du 25 août 2000 (applicable à la fonction publique de l’État) étendu à la territoriale par le décret n°2001-623 du 12 juillet 2001. Ces textes laissent une large part d’organisation aux collectivités : chaque employeur public local (commune, département, etc.) définit, après avis des instances paritaires (comité technique/CST), les cycles de travail et l’attribution des jours RTT. Il peut y avoir ainsi des règles locales variables en matière de RTT, tant que le cadre général (1607h annuelles, garanties minimales, etc.) est respecté.
Jours fériés chômés tombant un jour non travaillé : le principe de base
En droit commun, un jour férié chômé n’est pas récupéré s’il tombe un jour où l’agent ne travaille pas habituellement. Ce principe vaut pour le secteur privé (C. trav. art. L3133-2) et est appliqué dans la fonction publique. Concrètement, l’agent ne peut pas réclamer un jour de repos supplémentaire ni d’indemnisation lorsque le jour férié coïncide avec un jour où il n’était de toute façon pas en service (par exemple un dimanche ou un jour de repos hebdomadaire). De même, un agent à temps partiel dont le jour non travaillé habituel coïncide avec un férié ne peut pas modifier son emploi du temps ni prétendre à une compensation pour ce jour.
Un jour de RTT étant par nature un jour de repos accordé dans le cadre de l’organisation du travail, on pourrait assimiler son cas à ce principe général : s’il coïncide avec un jour férié, cela revient à ce que le jour de repos tombe un jour où, de toute façon, on ne travaillait pas. A priori, selon le principe général, le jour RTT fixé ce jour-là serait “perdu” et non récupéré, l’agent bénéficiant déjà du jour férié chômé comme tout le monde.
Beaucoup de règlements internes reprennent d’ailleurs ce principe. Par exemple, il est souvent précisé qu’« un jour non travaillé qui coïncide avec un jour férié ne donne droit à aucune récupération »r. Autrement dit, on ne “recrédite” pas un jour de congé ou de RTT parce qu’il est tombé sur un jour férié.
Jurisprudence en matière de RTT coïncidant avec un férié (secteur privé)
Il existe néanmoins une jurisprudence importante dans le secteur privé sur la question des jours RTT coincident avec un férié. La Cour de cassation a jugé que les jours de repos accordés au titre d’un accord RTT ne peuvent être positionnés sur un jour férié chômé. Si un jour férié chômé et un jour de RTT tombent le même jour, le salarié conserve le bénéfice des deux : il bénéficie du jour férié chômé et il a droit au report du jour de RTT à une autre date (ou, à défaut, à une indemnité compensatrice). En d’autres termes, l’employeur ne peut supprimer un jour de repos RTT au prétexte qu’un férié est intervenu ce jour-là, car les avantages collectifs issus de l’accord ARTT ne sauraient être remis en cause du fait d’un jour.
Cette position de la Cour de cassation (arrêt du 16 février 2012, n°09-70617, confirmant des arrêts de 2010) repose sur un raisonnement en équité : tous les salariés soumis à un accord RTT doivent pouvoir bénéficier des fériés en plus de leurs jours RTT prévus, sans discrimination liée au calendrier. On vise ainsi à assurer une égalité de traitement entre salariés. Par exemple, si certains ont leur RTT le jeudi et d’autres le vendredi, et qu’un férié tombe un vendredi, il serait inéquitable que ceux dont le RTT tombe le vendredi perdent un jour de repos par rapport à ceux dont le RTT était le jeudi. La jurisprudence privée corrige donc cette inégalité en donnant droit au report du RTT pour les salariés concernés.
Attention: ces arrêts concernent le droit du travail privé et les accords d’entreprise. Ils ne sont pas directement applicables aux fonctionnaires territoriaux, mais ils établissent un principe pouvant inspirer le secteur public. D’ailleurs, certaines administrations publiques ont adopté une approche similaire dans leurs textes internes. Par exemple, une instruction ministérielle relative à l’ARTT à l’État prévoit que si une demi-journée ou journée de RTT fixe coïncide avec un férié, elle est reportée à un autre jour de la même semaine. Ceci montre que l’on peut tenir compte de ce principe de ne pas pénaliser un agent par la coïncidence d’un jour férié.
Pratiques dans la FPT : des règles variable selon les collectivités
Dans la fonction publique territoriale, il n’existe pas de texte réglementaire explicite traitant du cas d’un RTT coïncidant avec un jour férié. En l’absence de disposition nationale spécifique, ce sont les règlements intérieurs ou accords locaux sur le temps de travail qui peuvent prévoir une règle. On constate, dans la pratique, deux approches possibles selon les collectivités :
-Approche stricte (pas de compensation) : Beaucoup de collectivités appliquent strictement le principe général évoqué plus haut. Leur règlement du temps de travail stipule que si un jour de RTT (ou de repos) tombe un jour férié, l’agent n’a pas droit à un report. Le jour RTT est alors considéré comme consommé ce jour-là (puisque l’agent était de toute manière en repos du fait du férié). Par exemple, le règlement intérieur du temps de travail de la Ville de La Trinité indique clairement qu’aucune récupération n’est due dans ce cas. Cette approche considère le jour férié comme un aléa du calendrier qui profite ou non aux agents selon leur cycle, sans ajustement.
-Approche compensatoire (report/compensation du RTT) : D’autres collectivités ont fait le choix inverse, s’inspirant de la logique d’égalité de traitement. Elles prévoient que le jour de RTT coïncidant avec un férié reste dû à l’agent, qui pourra le prendre ultérieurement. Par exemple, la commune de Lisle-sur-Tarn (Tarn) a adopté une délibération stipulant que “lorsqu’un jour de RTT fixe coïncide avec un jour férié, ce jour de RTT sera récupéré”, offrant la possibilité de reporter ce RTT à une autre date. De même, certaines collectivités prévoient dans leurs protocoles ARTT que les jours RTT “fixes” tombant un jour férié sont recrédités ou que l’agent peut choisir un autre jour de repos en remplacement. Cette approche vise à ce qu’aucun agent ne soit défavorisé par le calendrier des fériés. Elle est souvent appliquée lorsque les RTT sont fixes et imposés par l’employeur (par exemple un jour de RTT fixe toutes les deux semaines) afin de ne pas léser l’agent qui n’a pas la maîtrise de la date de son RTT.
Il est important de noter que cette décision relève de la politique interne de chaque employeur public. La loi n’impose pas explicitement de compenser un RTT tombant un jour férié, mais elle n’interdit pas non plus de le faire. Ainsi, la règle peut varier selon les collectivités en vertu de leur autonomie d’organisation du travail. Un conseil départemental X peut très bien considérer le RTT comme perdu s’il coïncide avec un férié, alors que le département Y voisin aura prévu un mécanisme de report du jour RTT.
En pratique, même dans les collectivités appliquant l’approche stricte, les agents tentent d’éviter de “gaspiller” un RTT sur un jour férié lorsqu’ils ont le choix. En effet, dans les systèmes où les agents posent librement leurs RTT (RTT modulables), l’agent ne va pas poser une journée RTT sur un férié puisque le férié lui procure déjà le repos. Le cas problématique se présente surtout pour les RTT fixes ou imposés par l’administration (par exemple un calendrier de RTT prédéterminé, ou des fermetures imposées sur des “ponts”). Dans ces cas, l’agent subit la coïncidence et peut se retrouver avec moins de jours de repos effectifs sur l’année qu’un collègue au cycle différent.
C’est là qu’intervient la question de l’égalité de traitement entre agents publics. Le principe d’égalité dans la fonction publique veut que des agents dans une situation comparable bénéficient des mêmes droits, sauf motif d’intérêt du service. Or, deux agents à 39h ayant droit chacun à, par exemple, 18 RTT annuels devraient en principe effectuer le même temps de travail annuel. Si l’un perd un de ses RTT à cause d’un férié, il travaillera plus d’heures sur l’année que l’autre, ce qui crée une inégalité de fait. Une collectivité peut estimer qu’il faut corriger cette inégalité en accordant un jour de repos équivalent ou une indemnisation à l’agent lésé. À défaut, l’agent pourrait théoriquement contester en faisant valoir que son temps de travail dépasse le maximum annuel réglementaire ou celui de ses collègues – argument qui pourrait trouver un écho favorable, bien que, à ce jour, il n’y ait pas de jurisprudence administrative connue tranchant spécifiquement ce point.
Pour résumer les différentes situations et pratiques, on peut présenter le tableau comparatif suivant :
En l’état du droit, un agent territorial à temps complet n’a pas de droit automatique à récupérer un jour de RTT coïncidant avec un jour férié, sauf si son employeur l’a explicitement prévu dans le règlement du temps de travail ou par accord. Beaucoup de collectivités, s’appuyant sur le cadre réglementaire général, considèrent ce jour comme perdu (le férié “absorbe” le RTT). Néanmoins, d’autres collectivités ont mis en place des dispositions plus favorables afin de garantir une égalité entre agents et de ne pas remettre en cause le bénéfice des RTT : celles-ci permettent un report du jour RTT sur une autre date ou une compensation équivalente.
Il est donc recommandé à l’agent de vérifier le règlement intérieur de sa collectivité ou les accords locaux en vigueur. Les pratiques pouvant diverger, un conseil départemental peut très bien avoir adopté une règle interne de compensation. Par exemple, si le jour de RTT en question était un RTT imposé par l’administration (fermeture exceptionnelle, cycle fixe), l’agent pourra plus légitimement demander s’il existe une compensation, puisqu’il n’a pas eu la liberté de choisir un autre jour. À l’inverse, en l’absence de dispositions locales particulières, l’agent devra accepter qu’aucune récupération ne lui soit accordée, en conformité avec la règle générale de la fonction publique territoriale.
En résumé, la possibilité de récupérer un RTT coïncidant avec un jour férié dépend essentiellement de la politique de la collectivité employeuse. Il n’existe pas d’uniformité nationale sur ce point, mais seulement des principes généraux : pas de droit à récupération sauf choix locaux contraires. En cas de doute ou de sentiment d’inégalité, l’agent peut se rapprocher des ressources humaines ou des représentants du personnel. Ceux-ci pourront lui indiquer la règle applicable dans sa collectivité, voire envisager une évolution du règlement si la situation génère une réelle disparité entre agents à cycle de travail différent. En tout état de cause, toute modification de ces règles doit respecter le cadre légal (décrets précités) et faire l’objet d’une délibération ou d’une négociation au sein de la collectivité.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com