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Depuis une quinzaine d'années, le nombre de départs à la retraite pour invalidité dans la fonction publique territoriale et hospitalière a connu une augmentation spectaculaire, conséquence directe des réformes successives du système de retraite et de l’évolution des conditions de travail. La réforme de 2010, qui a relevé l’âge légal de départ et modifié les conditions d’accès à une retraite à taux plein, a notamment joué un rôle déterminant en repoussant la sortie du marché du travail pour de nombreux agents dont l’état de santé s’est progressivement dégradé. dans la fonction publique territoriale et hospitalière a connu une augmentation spectaculaire. De 5 500 départs annuels au début des années 2010, on est passé à 8 300 en 2019, avant de se stabiliser à un niveau supérieur à 7 000 départs par an entre 2020 et 2023. Plusieurs facteurs structurels et réglementaires expliquent cette hausse inédite, qui témoigne d'un vieillissement général des agents mais aussi d'un contexte de travail de plus en plus contraignant.
L'âge moyen des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers a augmenté de plusieurs années en une décennie. Entre 2010 et 2023, l'âge médian des agents encore en activité est passé de 43 à 46 ans pour les femmes et de 44 à plus de 48 ans pour les hommes. Or, la probabilité d'être mis à la retraite pour invalidité augmente avec l'âge : en 2020, elle était de 0,17 % chez les 45-51 ans, mais grimpait à 1,8 % pour les 62 ans et plus. Ce vieillissement de la population salariée contribue à la hausse du nombre de mises à la retraite pour invalidité.
Les réformes des retraites successives ont joué un rôle clé dans cette augmentation des départs pour invalidité. La réforme de 2010 a relevé l'âge d'ouverture des droits (AOD) de 60 à 62 ans et instauré un allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. Ces modifications ont forcé certains agents à prolonger leur carrière au-delà de leurs capacités physiques, augmentant le risque d'invalidité.
Les fonctionnaires n'ayant pas la possibilité d'opter pour un départ anticipé, notamment ceux en catégorie C et certains agents de la catégorie B, sont les plus touchés par cette situation. Ces agents occupent souvent des postes physiquement exigeants et disposent de perspectives de reclassement limitées. Faute de solutions alternatives, ils sont contraints de prolonger leur activité jusqu'à l'épuisement ou de demander une mise à la retraite pour invalidité lorsqu'ils ne peuvent plus exercer leurs fonctions. La difficulté d'accès aux dispositifs de cessation progressive d'activité aggrave encore cette problématique. (carrière longue, catégorie active, motifs familiaux) sont les plus touchés. En particulier, les femmes de catégorie C de la fonction publique territoriale ont vu leur taux de départ pour invalidité passer de 12,3 % à 15,2 % entre les générations 1951 et 1956.
Outre l'allongement de la durée de carrière, les conditions de travail difficiles, comme celles rencontrées par les aides-soignants dans les hôpitaux ou les agents de propreté urbaine, participent à l'augmentation des invalidités. Par exemple, un aide-soignant de 58 ans témoigne : "Le manque de personnel nous oblige à enchaîner les gardes, et les charges physiques sont de plus en plus lourdes. À force, mon dos ne suit plus et j'ai dû demander ma mise en invalidité." Dans la fonction publique hospitalière, la proportion de départs en invalidité a diminué chez les femmes, mais reste élevée pour les hommes, notamment dans les emplois exposés à des contraintes physiques ou psychologiques importantes. dans certains secteurs (soins hospitaliers, entretien des voiries, services sociaux) participent à l'augmentation des invalidités. Dans la fonction publique hospitalière, la proportion de départs en invalidité a diminué chez les femmes, mais reste élevée pour les hommes, notamment dans les emplois exposés à des contraintes physiques ou psychologiques importantes.
La réforme des retraites de 2023, qui repousse à terme l'âge de départ à 64 ans, s'inscrit dans un contexte où les tendances démographiques montrent un vieillissement de la population active. Comparativement à d'autres pays européens, comme l'Allemagne où l'âge légal de départ à la retraite est fixé à 67 ans, la France suit une trajectoire similaire mais avec des répercussions spécifiques sur la fonction publique territoriale et hospitalière. Ce changement soulève des interrogations sur la soutenabilité des carrières longues et l'impact sur la santé des agents les plus exposés. risque d'aggraver la situation. En allongeant encore la durée d'exposition au risque d'invalidité, elle pourrait provoquer une nouvelle augmentation du nombre de départs pour raison de santé. Ce phénomène sera à surveiller de près dans les années à venir, alors que les dispositifs de départ anticipé tendent à se restreindre.
La hausse des départs à la retraite pour invalidité dans la fonction publique territoriale et hospitalière est le résultat de plusieurs facteurs combinés : vieillissement des agents, dégradation des conditions de travail et réformes successives des retraites. Si cette tendance se poursuit, elle posera des questions essentielles en termes de gestion des ressources humaines, de prévention des risques professionnels et de protection sociale pour les agents publics.
Cette hausse alarmante des départs en invalidité est le symptôme d'une politique qui ne tient pas suffisamment compte de la réalité des conditions de travail des fonctionnaires. Allonger la durée d'activité sans améliorer la qualité de vie au travail est une stratégie risquée. Si rien n'est fait pour accompagner les agents et adapter leurs conditions d'exercice, on risque d'assister à une fragilisation croissante des fonctionnaires les plus exposés.
Afin de limiter ce phénomène, plusieurs pistes pourraient être explorées : renforcer les dispositifs de prévention des risques professionnels, développer des parcours de reconversion adaptés pour les agents en difficulté et assouplir les critères d'accès aux départs anticipés pour raisons de santé. Une meilleure reconnaissance des contraintes physiques et psychologiques de certains métiers permettrait également d'éviter que de nombreux agents n'atteignent un état d'épuisement irréversible. d'une politique qui ne tient pas suffisamment compte de la réalité des conditions de travail des fonctionnaires. Allonger la durée d'activité sans améliorer la qualité de vie au travail est une stratégie risquée. Si rien n'est fait pour accompagner les agents et adapter leurs conditions d'exercice, on risque d'assister à une fragilisation croissante des fonctionnaires les plus exposés.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com
🚨 Pour allez plus loin: numéro 43 de Questions Politiques Sociales