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L'absentéisme dans la Fonction publique, notamment territoriale, suscite de nombreuses critiques et génère une méfiance souvent infondée à l'égard des agents publics. Il est souvent présenté comme le symptôme d’un prétendu laxisme, alimentant un discours réducteur et dévalorisant. Pourtant, une lecture rigoureuse des chiffres et une analyse qualitative des causes démontrent une réalité bien plus complexe. Cet article propose de déconstruire les principales idées reçues, en s'appuyant sur des données factuelles et une compréhension approfondie des enjeux de gestion et de dialogue social.
1. Idée reçue n°1 : "Les agents publics sont plus souvent absents que les salariés du privé" Les taux d'absentéisme peuvent effectivement paraître plus élevés dans certaines branches de la Fonction publique, notamment hospitalière ou territoriale. Cette différence s'explique essentiellement par la nature des métiers exercés, très souvent pénibles physiquement ou psychologiquement : soins, accompagnement de publics fragiles, propreté urbaine, interventions d'urgence, etc. Ces professions sont naturellement plus exposées aux risques professionnels et aux troubles musculosquelettiques ou psychosociaux. Comparer de façon brute les taux d'absentéisme entre secteurs sans considérer la spécificité des postes constitue donc une erreur d'analyse.
2. Idée reçue n°2 : "Les agents abusent des arrêts maladie" L'idée selon laquelle les agents publics abusent de leur statut pour se mettre en arrêt maladie repose sur un préjugé et non sur des faits. Les arrêts sont prescrits par des médecins selon des critères médicaux précis. Par ailleurs, des dispositifs de contrôle existent dans la Fonction publique, tout comme dans le secteur privé. Les cas de fraudes avérées sont marginaux et ne sauraient être généralisés. En outre, les études menées, notamment par l’INSEE ou la DGAFP, sur les effets du jour de carence montrent que sa présence ou son absence n'influence pas significativement le nombre total d'arrêts, contredisant les discours alarmistes.
3. Idée reçue n°3 : "Il est difficile de gérer l'absentéisme dans la Fonction publique" Les employeurs publics ne sont pas démunis face à l'absentéisme. De nombreux outils existent pour en analyser les causes et y apporter des réponses ciblées : par exemple, certains employeurs mettent en place des entretiens de retour au travail personnalisés et des diagnostics organisationnels approfondis. D'autres s'appuient sur des plans de prévention des risques psychosociaux, des enquêtes de climat social ou les comités sociaux territoriaux. Au lieu de stigmatiser les absences, il s'agit d'en comprendre les ressorts, d'évaluer l'impact des conditions de travail, du management ou de la charge mentale, et de mettre en œuvre des politiques RH préventives et participatives. De nombreuses collectivités locales démontrent qu'une gestion proactive et bienveillante permet de réduire significativement le taux d'absentéisme.
4. Un climat de "fonctionnaire bashing" nuisible au dialogue social Les idées reçues sur l'absentéisme s'insèrent dans un climat plus large de défiance et de stigmatisation envers les agents publics. Le "fonctionnaire bashing", relayé par certains discours politiques ou médiatiques, altère le lien entre les usagers et leurs services publics. Il a aussi des conséquences internes : perte de sens, démotivation, dégradation du climat social. Par exemple, dans certaines collectivités, cette stigmatisation a conduit à une hausse des départs anticipés ou à un désengagement croissant dans les équipes. Le dialogue social s'en trouve affaibli, alors même qu'il constitue un levier essentiel pour la co-construction de politiques RH efficaces.
5. Changer de regard : reconnaître et soutenir l'engagement des agents publics Lutter contre l'absentéisme passe avant tout par une reconnaissance sincère du rôle des agents publics, souvent en première ligne face aux difficultés sociales, sanitaires ou environnementales. Il s'agit de promouvoir une culture de la prévention, de l'écoute et de l'amélioration continue des conditions de travail. Le dialogue social, s'il est réellement investi, devient un vecteur de transformation positive. Il permet d'agir sur les causes profondes de l'absentéisme, tout en renforçant le sentiment d'appartenance et la qualité de vie au travail.
L'absentéisme dans la Fonction publique ne saurait être analysé à travers des lunettes simplistes ou accusatoires. Il est le résultat de facteurs multiples, liés aux conditions d'exercice, aux environnements professionnels et aux dynamiques managériales. Déconstruire les idées reçues est une condition essentielle pour dépasser les postures, restaurer la confiance, et réhabiliter une image juste et nuancée du service public. C'est aussi un acte de responsabilité pour tous ceux qui souhaitent bâtir une Fonction publique plus efficace, plus humaine, et pleinement engagée au service de l'intérêt général. Il s’agit là d’un engagement collectif pour redonner sens, efficacité et dignité à l’action publique.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com