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Le 7 mai 2025, lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Patrick Martin, président du Medef, a relancé un débat récurrent : celui de l'absentéisme maladie, en particulier chez les jeunes. Selon lui, cette tendance serait le signe d'une "dérive", notamment parmi les jeunes générations. Bien qu'il reconnaisse l’existence de véritables enjeux de santé mentale dans cette population, il trouve "inexplicable" l'ampleur du phénomène en comparaison avec d’autres pays européens. Le président du Medef a ainsi plaidé pour une augmentation des jours de carence, particulièrement pour les "arrêts maladie de courte durée", qu'il considère comme souvent non liés à des pathologies graves.
Le terme "dérive", utilisé par Patrick Martin, pourrait être perçu comme une généralisation trop hâtive des comportements des jeunes travailleurs. En effet, cette expression peut stigmatiser une génération entière et ne rend pas compte de la diversité des situations et des causes sous-jacentes à l'absentéisme. Il est donc essentiel d'aborder la question de manière plus nuancée, en tenant compte des réalités spécifiques auxquelles cette population est confrontée.
Les coûts associés à l'absentéisme dans la fonction publique représentent une part importante du budget public. En 2023, une étude conjointe de la Drees (Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) et de la Cnam (Caisse nationale de l’assurance maladie) a estimé que l’indemnisation des contractuels dans la fonction publique s’élevait à 10,2 milliards d’euros. Ce chiffre met en lumière l'ampleur du phénomène, qu'il soit dû à des arrêts maladie de courte ou de longue durée. Bien que ce coût soit un sujet légitime de préoccupation, la réflexion sur les mécanismes de prise en charge de l'absentéisme et les causes sous-jacentes demeure essentielle pour une approche équilibrée et équitable.
Il est important de souligner que l'absentéisme ne doit pas être vu uniquement sous l'angle financier. Bien qu’il représente un fardeau économique considérable, il doit aussi être analysé à travers le prisme de la santé publique et du bien-être des travailleurs. Cette approche permettrait de mieux comprendre les causes profondes et de mettre en place des solutions plus adaptées et efficaces.
L'absentéisme chez les jeunes, notamment ceux de moins de 30 ans, est un phénomène préoccupant qui soulève de nombreuses questions. Une étude publiée le 29 mai 2025 par l’Institut Montaigne, intitulée Les jeunes et le travail : aspirations et désillusions des 16-30 ans, met en lumière plusieurs facteurs sous-jacents à cette tendance. Parmi ceux-ci, la précarité de l'emploi, la pression sociale et des conditions de travail souvent difficiles figurent en tête des causes. L’étude révèle également que plus de 40% des jeunes déclarent souffrir de troubles liés à leur santé mentale dans le cadre de leur activité professionnelle, ce qui entraîne des absences plus fréquentes, parfois de courte durée.
La pression exercée par la société sur les jeunes, notamment par les attentes professionnelles élevées et la précarité du marché du travail, peut exacerber les problèmes de santé mentale. Ces facteurs doivent être pris en compte lorsqu’on analyse les absences des jeunes travailleurs. L'absentéisme n’est donc pas uniquement une question de "dérive", mais le symptôme d’un mal-être plus profond qui mérite d’être compris et pris en charge de manière adaptée.
Les propos de Patrick Martin ont suscité un débat sur la manière de gérer l’absentéisme des jeunes. En prônant une réduction des indemnités pour les arrêts maladie de courte durée, il semble négliger l'impact considérable des troubles psychiques, en particulier chez les jeunes. Ceux-ci, souvent pris dans une spirale de précarité et de pression, sont plus vulnérables aux troubles psychiques liés au travail. Ces absences, loin d'être une "dérive", sont le reflet de difficultés réelles et profondes, qui nécessitent une réponse adaptée et non punitive.
Il convient de noter que la comparaison avec d'autres pays européens doit prendre en compte les différences de systèmes de santé, de culture du travail et de soutiens sociaux. Ce qui fonctionne dans un pays ne peut pas toujours être transposé directement à un autre, et une telle comparaison risque de masquer les spécificités de chaque contexte.
Une véritable solution à l'absentéisme des jeunes doit passer par une approche préventive et accompagnante. Plutôt que de recourir à des mesures répressives comme l'augmentation des jours de carence, il serait plus pertinent de mettre en place des dispositifs de prévention, des formations sur la gestion du stress et du bien-être au travail, ainsi qu'un accompagnement psychologique pour soutenir les jeunes travailleurs dans leur parcours professionnel.
Les propos de Patrick Martin, bien qu’émanant d'une préoccupation légitime pour les coûts liés à l'absentéisme, semblent manquer de nuance. Réduire ce phénomène à une simple "dérive" et remettre en question les droits des jeunes travailleurs face à des pathologies souvent invisibles ou mal comprises revient à ignorer les véritables enjeux de santé mentale. L'absentéisme des jeunes ne peut pas être appréhendé uniquement sous l’angle économique ; il doit aussi être analysé sous le prisme de la santé publique et du bien-être au travail.
L'absentéisme, s'il représente un coût pour les entreprises et pour l’État, ne doit pas entraîner une réduction des droits. Au contraire, il serait plus efficace de mettre en place des solutions adaptées, telles que des dispositifs de prévention, des entretiens de suivi, et un accompagnement psychologique afin d’éviter que ces absences ne se prolongent et ne nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à la productivité des entreprises.
Le dialogue social entre employeurs, syndicats et pouvoirs publics est essentiel pour trouver des solutions efficaces. Un dialogue ouvert permettrait de mieux comprendre les causes profondes de l’absentéisme et d’élaborer des stratégies collectives pour y répondre. Cela contribuerait à une approche plus inclusive et équilibrée, bénéfique tant pour les jeunes travailleurs que pour les entreprises.
La question de l’absentéisme, en particulier chez les jeunes, est un défi complexe qui nécessite une approche équilibrée. Si les coûts financiers sont indéniables, la solution ne réside pas dans des sanctions supplémentaires, mais dans une meilleure prise en charge des problèmes de santé mentale et une amélioration des conditions de travail. Il est primordial d’adopter une approche plus compréhensive, qui privilégie le dialogue social et la prévention, plutôt que de réduire les droits des jeunes travailleurs.
Avis www.naudrh.com: à notre sens, Patrick Martin sous-estime les véritables difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes travailleurs. Au lieu de proposer une mesure punitive, il serait plus pertinent de mettre en place des politiques adaptées aux réalités sociales et économiques actuelles. Un soutien renforcé à la santé mentale, ainsi qu'une meilleure prise en compte des conditions de travail, seraient des pistes plus efficaces pour traiter l’absentéisme sans stigmatiser une génération déjà fragilisée.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com
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Patrick Martin président du Medef "On a une dérive sur les arrêts maladie, notamment chez les jeunes
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