/image%2F1484234%2F20250611%2Fob_1d6b06_1749657648125.jpg)
Le dimanche 8 juin 2025, les déclarations du ministre de l'Économie, Éric Lombard, ravivent un débat récurrent : faut-il réduire les effectifs de la fonction publique pour réaliser des économies ? En appelant à une diminution des postes, tout en rejetant les coupes budgétaires indiscriminées, le gouvernement soulève une fois encore la question du poids de l'emploi public en France. Pourtant, cette remise en cause survient quelques mois seulement après une nouvelle vague de reconnaissance envers les agents publics. Ce balancement entre louanges en période de crise et critiques en temps d'austérité constitue le véritable paradoxe de l'emploi public français.
Héros de l'ombre : les fonctionnaires en temps de crise
Qu'il s'agisse d'une catastrophe naturelle, d'une crise sanitaire ou d'une urgence sociale, les fonctionnaires sont toujours en première ligne. Durant la pandémie de COVID-19, leur engagement a été vital : soignants, enseignants, forces de l'ordre, agents territoriaux et fonctionnaires d’État ont assuré la continuité du service public, souvent dans des conditions extrêmement dégradées. Le discours politique a alors été unanime : ils étaient qualifiés de "piliers de la République", "indispensables", "dévoués".
Mais cette reconnaissance, bien que méritée, est rarement suivie d'effets durables. Dès que la tension retombe, le ton change. Les mêmes agents deviennent objets de suspicion : leur nombre serait excessif, leur coût trop élevé, leur efficacité insuffisante. Cette oscillation entre gratitude et reproche déstabilise et dévalorise les personnels.
Des chiffres à relativiser : la réalité de l'emploi public
Fin 2023, selon l’Insee, la France comptait 5,8 millions d'agents publics, soit environ 62 000 de plus qu'en 2022. Cette progression résulte de besoins accrus dans plusieurs secteurs-clés : transition écologique, accompagnement du vieillissement de la population, déploiement du numérique, réduction des inégalités territoriales. Les collectivités locales, en particulier, ont vu leurs missions s'élargir considérablement.
Pourtant, ce chiffre est souvent brandi comme le signe d'une administration pléthorique. Ce procès en inflation ne résiste pas à l'analyse comparative : la France se situe dans la moyenne européenne en matière de part des agents publics dans l'emploi total. Dans certains domaines, comme la Justice ou l’Éducation nationale, les taux d'encadrement restent même inférieurs à ceux de pays voisins tels que l'Allemagne ou les Pays-Bas.
Entre rigueur budgétaire et injonctions contradictoires
Le discours politique oscillant entre exigence de réduction des dépenses et attente de services toujours plus performants crée une tension insoutenable. Dénoncés pour leur coût, mais sollicités pour compenser les failles sociales ou environnementales, les agents publics se retrouvent pris en étau. Cette contradiction alimente un malaise croissant dans la fonction publique : surcharge de travail, sentiment de mépris, perte de sens.
Ce traitement ambivalent nuit autant à l'efficacité qu'à l'attractivité des métiers publics. Il contribue à la crise de recrutement que connaissent de nombreux secteurs (santé, enseignement, police). Cette difficulté à attirer de nouveaux talents affaiblit durablement la capacité de l'État à mener ses politiques publiques.
Vers une vision renouvelée de l'emploi public
Il est temps de sortir de cette logique de court terme. La gestion des ressources humaines dans la fonction publique ne peut se résumer à un simple exercice d'ajustement budgétaire. Elle doit s'appuyer sur une stratégie de long terme, fondée sur la confiance, la reconnaissance, la formation et l'évolution professionnelle des agents.
Repenser le contrat social avec les fonctionnaires, c'est aussi redonner du sens à l'action publique. Cela suppose un dialogue social sincère, une stabilité dans les orientations, et une prise en compte réaliste des besoins de la population. Faire des agents publics les partenaires de la transformation de l’État, plutôt que les cibles de la rigueur budgétaire, est un choix politique fort, à la hauteur des défis démocratiques contemporains. Il faut cesser de traiter les agents publics comme des coûts, et enfin les considérer comme des piliers de notre avenir collectif.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com