
Pour Pascal NAUD, président de l'Association www.naudrh.com, neuf mois après la quasi généralisation du télétravail imposée par la crise sanitaire et la satisfaction des employeurs sur leur capacité à s'organiser à distance, le bilan national d'application du télétravail n'est pas si rose que cela.
A la mi-mars le covid19 a imposé la quasi généralisation du télétravail. Avec le confinement la pratique du travail à domicile a explosé.
9 mois après, le bilan d'application de cette pratique sur le terrain est cependant contrasté. Si certains salariés plébiscitent le distanciel et gagnent du temps, d'autres ressentent un sentiment d'isolement et souffrent de troubles de la santé. L'impact sur la productivité est sensible. Le télétravail accentue les inégalités entre catégories de salariés. Qui plus est, la cohabitation de salariés à distance oblige les employeurs publics à s'interroger sur les fondamentaux de l'acte de travail, en vue d'une renégociation des accords pour la période post covid-19.
Comment et pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ?
Lors du premier confinement, après une période de sidération, les employeurs publics ont découvert avec satisfaction leur capacité à s'organiser à distance, même pour des métiers qu'ils croyaient inéligibles. Mais par la suite ils ont pu mesurer les risques pour la santé des salariés et le délitement des collectifs.
Un contexte d'incertitude s'est alors installé et il a servi de ferment à l'innovation managériale. En neuf mois, l'environnement du travail s'est modifié - les lieux, la durée, la fréquence - de nouveaux clivages sont apparus entre las catégories de personnel et les débats ont commencé sur l'organisation à venir.
La généralisation du travail à distance a imposé à tous un diagnostic, en préambule à la modification du management des équipes. A la faveur de cet état des lieux, certaines fonctions ont été valorisées comme le backoffice par exemple. Ce qui se faisait dans l'ignorance a fait tout à coup l'objet d'échanges sur la réalité du travail dans un groupe, un collectif, une équipe.
Les managers ont été surpris par l'autonomie des équipes et même de leur surnengagement. Mais l'enthousiasme du début a vite laissé la place aux risques de santé, au ras-le-bol et aux troubles musculo-squelettiques. Au départ la motivation était bonne, mais rapidement des salariés se sont sentis isolés, sous pression. On a beau priorisé, au bout d'un moment, on y arrive plus.
De confinement en confinement, la cohabitation de salariés à distance et d'autres sur site à obliger les employeurs à se questionner sur les fondamentaux: où l'acte de travail se situe-t-il ? Que fait-on dans une réunion ? A quoi sert un bureau ? Le 100 % télétravail serait-il une option ?
Force est de constater neuf mois après que le 100 % télétravail a été finalement réservé au contexte sanitaire. Pourquoi ? Car le 100 % télétravail, au bout de quelques semaines, a des conséquences psychologiques. On voit la hausse des violences conjugales, la hausse des addictions, donc on ne peut pas rester durablement en 100 % télétravail.
La rénégociation des accords de télétravail hors période de covid-
Les salariés qui ont pris goût au télétravail aspire à l'avenir à un modèle hybride, mêlant télétravail et présentiel. Or, l'hybridation (entre présentiel et télétravail) oblige souvent à revenir aux fondamentaux et à définir à quoi sert le présentiel, en réunion par exemple. En effet, la pratique des réunions à distance a modifié les interactions, mettant certains salariés en avant et d'autres dans l'ombre. En présentiel, l'énergie vient d'un groupe, à distance elle vient du manager, qui doit savoir comment redonner de l'énergie à chacun.
Au final la question de fond est de savoir si travailler à distance permet de mieux travailler et de mieux contribuer à l'exercice de la mission de service public confiée ? Mais bien souvent sur le terrain, cette question est loin d'être à ce jour tranchée.
Des avis différents se confrontent certains pensent que lorsque les collaborateurs sont présents, rien qu'en faisant le tour des bureaux le matin, beaucoup de problèmes peuvent être réglés. D'autres sont plutôt fervent que travailler chez soi fait gagner du temps en transport ou en réunions. Enfin certains voient pour les jeunes recrues qui ont besoin d'être formées et accompagnées, le télétravail comme une catastrophe.
Le télétravail, 9 mois après sa généralisation, n'est donc pas si rose que cela.
Pascal NAUD
Président de l'association www.naudrh.com
Editorialiste / expert statutaire
Contact pascal.naud3@wanadoo.fr
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