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Lorsqu'un agent présente des problèmes d'hygiène manifestes qui incommodent ses collègues et perturbent le fonctionnement d'une équipe, les responsables hiérarchiques se trouvent souvent démunis. Cette situation, à la fois humaine, délicate et perturbatrice, requiert une approche structurée, empathique et juridiquement fondée. Voici les étapes à suivre pour gérer ce type de situation avec discernement.
Un manque d'hygiène peut résulter de diverses causes : isolement social, troubles psychiques, maladie non révélée, ou simple négligence. Il est essentiel, à ce stade, de ne pas poser de diagnostic hâtif, afin de préserver une posture bienveillante et respectueuse. Le rôle du responsable est d'observer, d'écouter et de relayer, sans jugement, vers les acteurs compétents. Avant toute intervention, il est crucial de s'appuyer sur des faits objectifs : plaintes répétées, constatations récurrentes de nuisances, impacts sur le climat d'équipe.
Le premier levier est le dialogue. Il doit être mené par le chef de service, en entretien individuel et confidentiel, avec l’éventuel soutien de la DRH ou du médecin de prévention. Le ton adopté doit rester respectueux, neutre et factuel : il ne s'agit pas de juger la personne, mais de traiter les conséquences de la situation sur l’équipe.
Plusieurs acteurs peuvent être sollicités pour accompagner la démarche :
-Le médecin de prévention, pour évaluer une éventuelle inaptitude médicale.
-L’assistante sociale du personnel, pour explorer des difficultés personnelles ou sociales.
-La DRH, pour cadrer juridiquement les actions et formaliser les interventions.
Si les entretiens n’apportent pas d’amélioration, il convient de formaliser les rappels :
- Courrier de rappel aux obligations professionnelles : par exemple, "Je me permets de vous rappeler que, dans le cadre de vos fonctions, il vous est demandé d'adopter un comportement compatible avec le travail en équipe. Plusieurs remarques récurrentes m'ont été transmises concernant des difficultés liées à votre hygiène corporelle. Je vous invite à prendre les mesures nécessaires pour y remédier."
- Rapport circonstancié rédigé par le chef de service à l’attention de la DRH, décrivant les faits constatés, les dates des échanges et les réactions de l’agent.
Ces éléments permettront, si nécessaire, d’engager une procédure disciplinaire.
Dans la fonction publique territoriale, un manquement à l’obligation de bon comportement peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire, conformément à l’article L.133-1 du Code général de la fonction publique. Cette obligation inclut le respect des règles élémentaires de savoir-vivre en collectivité.
Ainsi, un agent qui persiste dans un comportement inadapté malgré les avertissements et l’accompagnement peut se voir infliger une sanction : avertissement, blâme, exclusion temporaire. Le licenciement reste une mesure de dernier recours, uniquement envisageable en cas de manquements graves, répétés, et après épuisement des autres dispositifs.
Le Code du travail n’identifie pas explicitement le manque d’hygiène comme motif de licenciement. Toutefois, la jurisprudence reconnaît (Cour de cassation, chambre sociale, 29 juin 2005, n° 03-44.757) que ce comportement peut constituer une cause réelle et sérieuse, voire une faute grave, lorsque son impact sur l’organisation est établi et que le salarié refuse de remédier à la situation.
Quelques exemples :
-Un salarié dont les collègues expriment des plaintes répétées.
-Un refus systématique de toute tentative d’accompagnement ou de dialogue.
Dans le secteur privé, une telle démarche doit néanmoins être rigoureuse, documentée et proportionnée. Il est important de souligner que les règles applicables au secteur privé ne peuvent pas être transposées automatiquement à la fonction publique territoriale : les garanties statutaires des agents publics, les obligations de reclassement ou de soins, et la logique d'accompagnement prévalent, rendant le licenciement plus encadré et plus rare.
-Ne pas laisser la situation s'enliser : agir dès les premiers signaux.
-S’appuyer sur les acteurs internes : DRH, médecin, assistante sociale.
-Adopter une posture d’écoute et de non-jugement.
-Formaliser les étapes : écrits, comptes rendus, courriers.
-Préserver la cohésion de l’équipe tout en respectant la dignité de l’agent.
Un agent d'entretien, en poste depuis plusieurs années, fait l'objet de remarques récurrentes de ses collègues concernant des odeurs corporelles très fortes. Après deux signalements informels, le chef de service décide de le recevoir en entretien, avec un représentant RH. L'agent, visiblement gêné, évoque des difficultés personnelles liées à son logement. Il est orienté vers l’assistante sociale. Trois semaines plus tard, aucune amélioration n’est constatée. Un courrier de rappel lui est adressé, suivi d’un second entretien, cette fois en présence du médecin de prévention. Celui-ci identifie une problématique médicale et préconise une mise en arrêt de courte durée, suivie d’un accompagnement. À son retour, la situation s'améliore nettement. Ce cas illustre l’importance d’une prise en charge progressive, coordonnée et bienveillante.
La gestion des situations liées à l'hygiène personnelle ne relève pas uniquement du bon sens ou de la discrétion : elle demande une posture équilibrée, mêlant exigence professionnelle, accompagnement humain et respect des règles. Si le secteur privé peut parfois aller plus loin juridiquement, la fonction publique territoriale mise sur une démarche progressive et encadrée.
Le rôle du chef de service est essentiel : observateur de terrain, acteur du dialogue, relais vers la DRH. C’est à lui qu’il revient d’agir en premier lieu, en posant les jalons d’une prise en charge structurée. Sa vigilance et sa capacité d’intervention précoce sont des leviers majeurs de prévention des situations de tension ou de repli.
Avis www.naudrh.com : cette problématique, souvent taboue, souligne à quel point le management dans la fonction publique repose autant sur des compétences techniques que relationnelles. Le soutien de la DRH, une formation adaptée et des outils clairs sont les garants d’une gestion respectueuse et efficace de ces situations sensibles.
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com
Contact naudrhexpertise@gmail.com